Il ne faut pas opposer l’ancien système de l’intelligence pyramidale, mourant, à celui, naissant, de l’intelligence collective holomidale. J’entends tout le temps des gens dire que même s’il y a une innovation sociale indéniable, les outils demeurent le monopole des organisations à intelligence collective pyramidale, faites pour faire du profit et pour contrôler. Les gens qui disent cela opposent des systèmes politiques dans une vision intellectuelle des idéologies. Mes recherches se contentent d’observer l’évolution, pas d’argumenter si tel ou tel système politique devrait prévaloir. De manière pragmatique et concrète, on a une loi du vivant : tout nouvel écosystème doit pousser sur l’ancien. L’ancien, tout en rejetant le nouveau, lui offre les briques fondamentales ainsi que le compost issu de sa propre décomposition. Ses manifestations paroxystiques –plus de concentration des pouvoirs et de l’argent, plus de normalisation, etc– provoquent également une dynamique d’évolution pour ceux qui veulent s’extraire de cette matrice. Ainsi l’intelligence collective holomidale, en attendant de devenir un écosystème social autonome, pousse-t-elle sur le terreau de l’intelligence collective pyramidale. Il y a un processus fractal, complexe et non-linéaire.
On me demande souvent si les gens se sentent prêts… Je ne peux que vous inviter à contempler cette question au fond de vous-même en premier lieu. L’évolution se joue en vous avant tout. L’attendre venir par l’extérieur relève d’une illusion classique du mental.
Qui, aujourd’hui, se sent prêt à faire évoluer ses structures sémantiques, son mode économique, sa santé, la relation à son corps, son alimentation, ses codes sociaux, son usage des technologies ? Pour l’instant, je n’observe ce mouvement que dans une petite frange de l’humanité, une infime minorité, principalement issue des jeunes générations. Pour autant cette petite pellicule de conscience qui s’organise dans l’être et se maille dans le collectif suffit à provoquer les sauts nécessaires à l’évolution. Le passé nous l’a déjà démontré : les changements n’ont jamais émergé ni des majorités, ni des pouvoirs en place.
Il y a une différence énorme entre ‘penser’ avec des mots et ‘contempler’, intérieurement silencieux, aux niveaux nonverbaux, et rechercher ensuite la structure correcte de langage qui corresponde à la structure hypothétiquement découverte des processus silencieux, que la science moderne recherche. Si nous ‘pensons’ verbalement, nous agissons en observateurs partiaux et projetons sur les niveaux silencieux la structure du langage que nous utilisons; nous demeurons ainsi prisonniers de la routine de nos anciennes orientations, rendant à peu près impossible des observations impartiales et précises ainsi qu’un travail créatif. Par contre, lorsque nous ‘pensons’ sans mots, ou en images (ce qui implique une structure et donc des relations), nous pouvons découvrir de nouveaux aspects et de nouvelles relations aux niveaux silencieux, et donc produire des résultats théoriques importants dans la recherche générale d’une similitude de structure entre les deux niveaux, silencieux et verbal. Pratiquement tous les progrès importants se font ainsi. Jusqu’ici, le seul lien possible entre les deux niveaux s’exprime en termes de relations, s’appliquant aussi bien au niveau verbal qu’au niveau nonverbal, telles que l »ordre’ (sériel, linéaire, cyclique, spiral, etc.), l »intermédiarité’, l »espacetemps’, l »égalité’, l »inégalité’, ‘avant’, ‘après’, ‘plus que’, ‘moins que’, etc. Les relations, en tant que facteurs de structure, donnent l’unique contenu de toute la connaissance humaine.
Extrait de la sémantique générale d’Albert Korzybski « Vers un nouveau système général d’évaluation et de prédictibilité pour résoudre les problèmes humains ».
Bonsoir !
Un grand merci pour cette contribution. Contribution que j’apprécie d’autant que j’aime les travaux de Korzybski. Je ne puis qu’acquiesser à tout ce que vous écrivez. Cela rejoint également tout ce qui touche au transrationnel (Wilber) ou supramental (Aurobindo). Qu’en pensez-vous ?